Je me retournai comme un astre en colère et je
ne vis pas mes pas et je ne vis pas mon ombre, les pupilles
dilatées j’en fus à chercher même
mon corps que la sirène aurait appelé
(je ne m’étais pas attaché), j’avais
suivi pourtant cette route et puis ce chemin et le sentier
puis les traces encore persistantes de quelque lapin
blanc. Perdu mon temps. Au tournant d’un détour
Je fus retourné par un arbre au pas lourd qui
me prit de ses blanches et je fis grise mine et profonde
humeur : de mes poches à l’envers tout
s’échappait et ma montre et mon canif et
quelques restes comme des souvenirs ; je fus dans un
nid soudain et j’ouvris la gueule par instinct
comme je l’ouvrais parfois par colère ;
la canopée s’offrit et je pus lui parler.
« Ai-je faim », je dis, entre affirmation
et question car de la situation je veux au moins gagner
un repas, un fruit suffisant. « Ai-je faim et
suis-je perdu » j’ajoute entre doute et
affirmation car de l’aventure on ne sait pas toujours
revenir. « Ai-je faim et suis-je perdu et fort
fâché » je complète car je
suis plutôt peureux et toute broutille est accident.
Aucune ombre pour réponse, aucun oiseau pervers
ayant foncé sur moi, aucune pluie qui aurait
lavé l’affront. Je fus plus que seul et
devrais m’en contenter. « Holà gaillard
», osai-je devant tant de vide, « Fais place
à mon regard et à genoux », fis-je
encore avec témérité car ouf, personne
avant comme arrière, j’en fus à
vouloir prononcer des phrase et les garde pour plus
tard. Les branches se relâchaient et je pus me
retourner encore et libérer ici un bras, ici
une jambe et la tête, ah… Le manège.
Cours petit cheval de bois
Et file droit…
L’arbre est joueur, nous ne l’oublions pas,
qui me ballote et me pelote et barbotte ma bague de
sept lieux puis me laisse choir comme une chevillette,
me voici boitant tournicotant, cherchant un nord rédempteur.
Tendant mon fusil imaginaire au-delà des poussières,
je vise l’ennemi qui viendra ; curieux objectif
si je suis visé et qu’il se fait mouche,
je ne sais que demeurer.
…Et file droit.
Tourner la belle affaire, crois-moi.