"Je ne pouvais
pas en vivant, me représenter dans l'accomplissement des
actes de ma propre vie, me voir comme me voyaient les autres, me
placer en face de mon propre corps et le regarder vivre comme celui
d'un étranger."
Luigi Pirandello "Comment
je voulais être seul"
Tiré de - Un, Personne et Cent Mille -
La difficulté
d'écrire relève du même phénomène
que de décrire. Décrire la vie, l'être, les
limites vacillantes de l'existence, tel un Pirandello photographe,
illustrant d'images les doutes et les incertitudes qui fondent notre
histoire.
Écrire sur
l'œuvre, alors que tout nous en sépare, du moins en
apparence, car elle est personnelle et intimiste, peut sembler de
prime abord de l'impudeur. Mais dans sa globalité, construite
comme une phrase, où chaque élément raconte
presque phonétiquement ce qui constitue la vie, ses parties
immergées que seule la sensibilité du regard met à
jour ou plutôt révèle; elle devient universelle.
Là, nous
pouvons, à l'œil nu, voir enfin ce qui constitue les
micros - événements imperceptibles de notre quotidien,
ce que nous ne pouvons voir, ou ne voulons voir faute de courage.
Par étape,
par sédimentation, nous sommes conduits à la compréhension
de l'ordre, d'un ordre, dont Georges Perec pourrait se réclamer,
où tout y est minutieusement inventorié, car tout
y est d'égale importance.
Mais de quoi s'agit-il
lorsque nous participons aux pérégrinations dénudées
de cet individu miniaturisé? Est-ce de la vie dont il veut
nous parler, ou est-ce de la mort? Car de toute évidence
le propos n'est pas objectif. Et c'est justement d'objectifs dont
il s'agit, d'angles de vue plus ou moins grands, "d'angles
de vie".
Le support est
posé; la photographie, ce rectangle mythique qui met à
jour "l'étranger inséparable de soi" telle
une matrice d'existence.
Jean-François
Dingjian
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