C'est
à un voyage en nous-mêmes que nous invite Alain
Hervéou. Pourtant c'est lui, lui et encore lui le
photographe qu'il met en scène sur chacune de ses
images. Lui, petit, nu, fragile, dérisoire lilliputien
errant dans un monde grandeur réelle qui l'écrase
souvent, le terrorise parfois, et l'interroge toujours.
Qui suis-je?
Où suis-je? Où vais-je? Les questions sont
posées. Pour le principe. Car on connaît les
réponses. Et de la pomme que croqua Adam à
la grande faucheuse, le destin ne nous réserve aucune
surprise.
Alors l'artiste
sur le coin de la cheminée, l'artiste devant les
souvenirs de famille, l'artiste errant sur une table parmi
des livres géants, l'artiste en cage ou la tête
dans les étoiles, c'est vous, c'est moi, c'est nous.
Dans nos rapports avec la mémoire, la connaissance,
la méditation.
A ce reflet
de notre intimité il fallait une lumière douce.
C'est effectivement dans un clair-obscur que nous sommes
placés. Teintes crépusculaires qu'éclairent
ici et là les jaunes passés et les rouges
profonds d'une vie qui, si elle n'est pas déjà
vécue, peut-être projetée dans le futur
selon un immuable scénario. Nos contours n'ont pas
le visage lisse de l'arrogance. Assurément le tain
du miroir est ancien. Patines et craquelures sont là
pour nous rappeler notre éphémère destinée.
On l'aura
compris, Alain Hervéou s'il a fait un travail analytique
de lui-même - Pris comme être humain type -
a également conçu ses photos en véritable
compositeur. Il lui faut un scénario. Un rêve.
Un imaginaire à mettre en scène. Dès
qu'il possède son sujet, il construit son théâtre.
Un univers de carton-pâte fait son décor. Ou
bien il utilise des objets usuels qu'il ramasse un peu partout.
Son environnement est celui d'un brocanteur qui serait aussi
un peu maquettiste.
Lorsque
l'on fait ce travail, l'on se dit que la main de Dieu, qui
sait se montrer implacable, a été clémente
pour l'homme en lui envoyant des artistes possédant
une telle patte.
Marie-Françoise
Blétrix
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