Chair in naturalibus

 

Femmes, vos corps éveillent en moi des ardeurs d’étreinte, m’invitent à l’ivresse des sens, convient ma gourmandise charnelle, et vous voici là nues et ostensibles en ces tableaux. Pensées vénielles qui m’habitent depuis le plus jeune âge et qui par-delà le temps ne s’éteignent.

Mais comment vous photographier afin de dire ce que vos chairs attisent?

Par milliers elles squattent les magazines ces filles brunes, blondes, rousses, bronzées, corps plastiques aux mensurations idéales, poitrines silicones, lèvres pulpeuses et regards aguichants à l’appel factice, clichés de la femme objet qui s’affichent aux cabines des routiers marcel, attributs définitifs décorants leurs gros culs. Mythe de la pin-up hors d'atteinte et virtuelle, témoignages d’une virilité éventuelle.
Images photographiques parfaites où la lumière dorée enjolive les chéries dans des décors de plages Malibu, nymphes aux postures provocantes, cadrages où la règle des 1/3 académique fait loi, archétypes modernes dignes d’un workshop “Photos de charme”.

Non, non, non … ces stéréotypes nous éloignent des passions profondes et organiques que stimulent vos féminins appâts.
Ce n’est pas dans ces visuels de vos charnelles enveloppes mises à distance, inaccessibles perfections lisses, que le désir s’anime, que les sens s’émeuvent, que le frisson de vos peaux nous parcourt.

Il est nécessaire de pénétrer vos chairs, d’en remplir le cadre photographique, ranimer le souffle dionysiaque qu’elles inspirent. Tel un silène goulu qui scrute vos anatomies et en cherche la quiddité, je vous polaroide.
Silhouettes anonymes, dévêtues et impudiques placées dans des friches aux décors vieillots, défraîchis, délabrés, aux murs papiers peints fleuris et hors temps sont ici livrées à nos vues via ces photographies. Elles s’y éternisent partiellement cachées par des éléments chimiques, saletés, lignes d’ombre, autant de prétextes, de voiles, de palimpsestes qui achèvent la débauche des images.
Ce pubis au centre du carré monochrome rose/orange ne joue pas comme “l’origine du monde” de Courbet, il se voile pour mieux se convoiter.
“Et sous le voile à peine clôt cette touffe de noir Jésus qui ruisselle dans son berceau…” écrit Léo Ferré.
Foncièrement éloignée d’une iconographie lubrique et triviale empreinte du domaine pornographique la série “Chair in naturalibus” nous engage à un voyage intime, illicite et sibyllin où les fantasmes sont convoqués.



                                                                                                                          Alain Hervéou