Mener
un travail photographique et plastique en utilisant
comme matériau les documents d’archives
de l'holocauste engage à une réflexion
profonde quant :
-
Aux moyens mis en œuvre pour la représentation.
- À la pertinence d'une telle décision.
Le
souvenir des premières images vues de la
Shoah m’est toujours présent. Encore
gamin, c’est pour regarder une “exposition“
sur ce sujet, en mairie de Reims, que mon père
m’avait emmené. Ce jour est gravé
dans ma mémoire ; depuis lui je ne suis plus
le même. Je me rappelle m'être fait
la réflexion de la réalité
de ce que j'étais en train de découvrir.
J'ai perdu là une part d'innocence, de confiance.
Partant
du principe que les images documentaires produites
au moment de la découverte des camps d'extermination
sont suffisantes et nécessaires pour révéler
l'indicible, et lui porter témoignage, peut-on,
avons-nous le droit d'ajouter quelque chose, de
faire redondance? C'est la question que je continue
de me poser. Et pourtant… au regard de l’histoire
contemporaine cela s’impose.
Pourtant
ils sont nombreux les reportages qui livrent aux
pages des magazines les images de la terreur du
monde, de sa cruauté, mêmes images
qui s’exposent aux cimaises des galeries et
musées, se montrent dans les festivals, projetées
ainsi dans le rang d’œuvres d’Art
et donc susceptibles d’être vendues
comme telles. Faconde et monstrations qui risquent
d’en noyer le sens et banalisent l’horreur.
Mon
travail se veut plastique au-delà du document
d’origine. La photographie et les archives
y restent manifestes afin de garder les liens avec
leur réalité historique et documentaire.
Utilisés en palimpsestes, en superpositions
ces derniers disparaissent dans une tourmente de
matière et de couleur où la violence
s’exprime par la mise en relation des éléments
qui les constituent.
En
tant qu’Homme et artiste, il est une obligation
de réfléchir à la possibilité
de produire quelque chose qui ait du sens, quelque
chose d'honnête et d'authentique. Je veux
contribuer et ajouter ma pierre à l’édifice
du devoir de mémoire, de manière modeste
et par besoin de participer, de dire ma honte à
ceux qui ont souffert et souffrent aujourd’hui,
faire qu'il n'y ait pas de repos pour la mémoire,
entraver l'oubli.
Produire
des images qui touchent l’humanité
de ceux qui les reçoivent.
J'aimerai
que ce travail en soit ainsi.
Alain
Hervéou